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8 Nov 2024

Alain SIMAC : J’avoue que la traversée du détroit de Cook ne me rassure pas trop !

Ce mois-ci nous sommes allés prendre des nouvelles d’Alain SIMAC qui vient de se lancer à la conquête du Défi « Oceans Seven », soit les 7 traversées les plus difficiles ou les plus emblématiques de la planète eau libre.

Bonjour Alain, nous en sommes à notre 3e rencontre et nous venons prendre de tes nouvelles après tes 2 dernières traversées, dont celle de Catalina qui fait partie de l’Oceans Seven. Peux-tu nous parler de cette traversée et nous dire comment elle s’est passée ?

Catalina c’est une traversée un peu spéciale parce que tu connais 6 mois à l’avance la date à laquelle tu vas la réaliser, et ce en raison de la stabilité de la météo. Elle a cela d’original aux autres traversées qui t’accordent un « slot » sans savoir précisément qu’elle jour tu vas partir. Sa 2e particularité est que tu débutes ta traversée toujours vers 22 heures, soit le moment où les conditions de vent et de houle sont les plus favorables. Ce qui fait que de 22 h à minuit les conditions pour nager sont bonnes, et de minuit à 6 heures elles sont excellentes. Ensuite le brouillard se lève puis à partir de midi le vent et les vagues reprennent. Ce qui fait qu’il faut mieux avoir terminé ta traversée avant. Tu nages donc les 2 tiers ou les 3 quarts du temps pendant la nuit. Ce qui rend les conditions de nage presque identiques pour tous. Autre particularité, tu es accompagné en permanence par 2 kayaks et suivi par un gros bateau de 20 mètres de long qui te donne le cap.

Et tu as réalisé ta traversée en combien de temps ?

J’ai mis beaucoup de temps en raison d’un courant de face à la fin du parcours où j’ai fait du surplace pendant 3 heures. J’ai donc nagé pendant 14 heures et 59 minutes pour réaliser les 32 km de la traversée. D’ordinaire l’arrivée se passe plutôt bien, mais l’association organisatrice m’a indiqué que cette année le courant était particulièrement fort à l’approche du but, et qu’en moyenne les nageurs avaient mis de 2 à 4 heures de plus pour réaliser leur traversée que les années précédentes.

Tu as également réalisé le 20 octobre dernier le tour de Manhattan, bien que cette épreuve ne soit pas dans l’Ocean 7. 

Réaliser le tour de Manhattan à la nage est une opportunité qui s’est présentée à moi en début d’année, et qui m’a permis de valider le « Triple Crown » après avoir réussi la traversée de la Manche et celle de Catalina. C’est un petit bonus qui me rassure sur mes capacités de nager pendant 55 km et de pouvoir enchainer en l’espace d’1 mois 2 épreuves longues distances.

Quelle sont les particularités du Tour de Manhattan par rapport aux autres épreuves ?

Tout d’abord l’épreuve ne se dispute que 10 dimanches dans l’année et uniquement 4 nageurs prennent le départ chaque semaine. Cela limite donc le nombre de nageurs à qui l’on donne la possibilité de réaliser l’épreuve chaque année. C’est également une épreuve rapide en raison des courants positifs liés aux marées et débits des rivières et fleuves présents dans la baie. J’ai pour ma part mis 8h51 pour faire le parcours avec des passages où je nageais entre 7 et 8 km/h. C’était très impressionnant. Par contre il ne faut pas être en retard avant la bascule de marée parce que la conséquence est de rester bloqué sur place. Il y a d’ailleurs des passages où il t’est demandé de nager plus vite pour être certain de passer.

Quelle est la prochaine étape de ton défi ?

Ma prochaine destination est la Nouvelle-Zélande avec la traversée du détroit de Cook. Ma traversée est prévue le mois prochain si tout va bien, entre le 12 et 16 décembre. J’avoue que cette traversée ne me rassure pas trop, même si elle n’est pas très longue avec ses 23 kilomètres entre l’ile du sud et celle du nord, avec un départ de Picton et l’arrivée à Wellington. La température de l’eau est de 15 degrés en cette période, comme la Manche, et même si la distance n’est pas très élevée elle est plus dangereuse avec la présence d’une faune extrêmement dense. Les animaux les plus nombreux dans la zone sont les espadons, les requins Mako et Blanc, mais surtout il y a les redoutables méduses-boite, un des animaux les plus dangereux du monde. Je serai suivi par un bateau et encadré par 2 kayakistes équipés d’une liane électrique qui va repousser les requins, même si ce n’est pas infaillible à 100 %. Pour l’anecdote un nageur lors d’une précédente traversée avait été approché par des requins et ce sont des dauphins qui les avaient chassés en nageant autour de lui. Mais ce qui me fait très très peur se sont les méduses-boite. Ce ne sont pas les méduses de la Manche qui piquent un peu. Avec leur venin elles peuvent te tuer en quelques minutes. Si tu es touché par un de leur filament qui peut faire jusqu’à 2 mètres de long, le protocole est de remonter dans le bateau le plus vite possible parce que tu as 5 minutes, au plus, avant de faire un arrêt cardiaque. D’ailleurs quand tu t’inscris à la traversée l’association organisatrice t’envoie un protocole de 19 pages, avec toutes les recommandations d’urgence et de sécurité à valider avant de participer. Cela te refroidi un peu et tu comprends pourquoi aussi peu de nageurs ont tenté la traversée. D’ailleurs j’ai été obligé d’en parler à mon épouse qui va m’accompagner pour bien valider avec elle les risques encourus. Elle a d’ailleurs dû également signer le protocole car elle fait partie de mon encadrement. Je l’ai rassuré en lui disant que le risque de rencontrer des méduses était plutôt la nuit, et que le jour elles son présentent plus en profondeur. Mais cela devrait bien se passer.

Ensuite tu as programmé en 2025 les 3 dernières traversées.

J’ai effectivement prévu les 3 dernières traversées l’année prochaine parce que je n’ai pas envie que cela prenne encore 5 ans. J’en ai fait environ une par an et il faut que j’accélère un petit peu. A l’origine je voulais réaliser les 7 traversées dans la même année, ce qui n’avait jamais été fait. Mais entre-temps il y l’anglais Andrew Donaldson qui les a réalisées en 11 mois et demi, et cette année le bulgare Petar Stoychev a réussi l’exploit de les faire en 6 mois. Et comme j’ai d’autres projets par la suite, il faut absolument que je termine l’année prochaine. Les dates 2025 sont d’ores et déjà toutes « bookées ». Après la traversée du détroit de Cook, je vais enchainer dans l’ordre le détroit de Molokai à Hawaï (41,8 km), le détroit de Tsugaru au Japon (19,5 km) et pour terminer le North Channel entre l’Irlande et l’Angleterre (34,5 km).

Si tu réussi tu seras le premier français à boucler l’Oceans Seven ?

En effet. Au départ je pensais que Steve Stievenart le tentait aussi, mais il se concentre actuellement sur des épreuves qui n’ont jamais été réalisées. Steve est plutôt à la recherche de premières mondiales à réaliser comme le « Three way » de Catalina qu’il a réalisé cette année, et je le comprends. Par contre en termes de budget nous ne sommes pas dans la même dimension. Catalina lui a coûté 50 000 euros, ce qui représente mon budget pour faire 5 traversées. Il a un gros sponsor et ensemble ils décident de réaliser des épreuves qui ont une répercussion internationale et pas uniquement française. Il est actuellement en train de réaliser le « Seven Ice Mile », et s’il le réussi il sera le premier à le faire dans le monde.

Pour terminer notre entretien, à ton avis pourquoi aussi peu de français tentent l’Oceans Seven comparé aux anglo-saxons qui sont majoritaires dans les nageurs qui ont l’ont réalisé ou sont en cours de le réaliser ?

C’est en effet assez surprenant. Par exemple, 2 800 nageurs ont réussi la traversée de la Manche depuis l’origine, dont 80 % d’anglais. On pourrait penser que c’est en raison de la proximité de leur pays avec la Manche, mais nous aussi nous avons nos côtes qui donnent sur cette mer, et pourtant peu de nageurs français ont inscrit leur nom au palmarès. Seulement une trentaine de français l’ont réussi alors que de leur côté ils sont plus de 2 000. C’est la même chose sur le Tour de Manhattan. Cette année il n’y avait que 2 français contre 20 anglais sur les 40 nageurs inscrits. Cela peut aussi s’expliquer par les coûts. Pour la moindre traversée il faut débourser 10 000 euros, ce qui est astronomique. Dépenser autant pour une semaine de présence sur place sans partenaire n’est pas à la portée de tous. Pour les américains c’est moins un problème parce que leurs revenus sont plus élevés. Mais plus généralement, en France, la discipline reste encore assez confidentielle dans les médias par rapport à d’autres pays où la natation eau libre est au même niveau que la sportive.

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