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17 Avr 2020

L’interview de la semaine : entretien avec Frédéric Romera

Cette semaine, nous avons échangé avec Frédéric Romera, 44 ans, vainqueur l’année dernière du 5,5 km de Lyon et habitué des participations aux Open Swim Stars Harmonie Mutuelle. Véritable passionné de sport, celui qui fut tennisman prometteur dans sa jeunesse avant d’enfiler les gants pour devenir gardien de but en CFA (4ème division de football) s’est converti à la natation sur le tard, avant de basculer vers son nouveau « sport passion » : la natation eau libre. Rencontre.

 

Bonjour Frédéric, comment te portes-tu en cette période de confinement ?

Ça va super bien ! En ce qui me concerne, le confinement ne m’a pas mis à l’arrêt. Dès le début du confinement j’étais en télétravail, puis mon entreprise, JST Transformateur, où je suis salarié comme responsable logistique, a ré-ouvert ses portes le 8 avril. Je m’y rends le plus souvent à vélo, ce qui me permet de faire de l’exercice puisque je suis malheureusement privé de piscine et de sorties en eau libre comme nous tous.

Depuis le début du confinement, comment organises-tu tes journées ?

Honnêtement, je ne vois pas le temps passer ! J’ai mis en place ma propre organisation et je la mets en pratique tous les jours. Après avoir consulté mes mails au réveil, je fais un peu de vélo elliptique sur mon balcon et un peu de gainage, avant d’aller travailler. De retour à la maison, je fais de la batterie électronique pendant 2 heures. C’est un instrument assez physique et cela me permet de faire travailler un peu mes bras (rires). Et pour terminer, je fais 30 à 45 minutes de footing autour de chez moi avec une nouvelle séance de gainage. Je m’occupe également de ma fille de 2 ans. J’ai donc des journées bien remplies !

Comme beaucoup d’entre nous, tu t’entretiens physiquement chaque jour. Quel exercice peux-tu nous conseiller pour nous remettre à l’eau dans de bonnes conditions dès que cela sera possible ?

Personnellement, j’utilise une roue de musculation, et c’est absolument génial ! L’utiliser me permet de sentir des muscles que je ne sens pas en temps normal. J’en fais quotidiennement, c’est mon incontournable de la journée. Après, pour ceux qui n’ont pas cet appareil, courir (dans la limite de temps autorisée) autour de chez soi, ou même faire du gainage, c’est déjà super.

Et au niveau moral, comment réussis-tu à t’évader dans cette période délicate ?

J’essaie avant tout de pallier au mieux le manque d’être dans l’eau. Jouer de la batterie est un bon substitut. C’est un peu comme la natation, cela me vide la tête et me plonge un peu comme dans une bulle. J’essaie aussi de garder un certain rythme, en variant les activités, en me rendant au travail à vélo ou avec mon footing quotidien. Ce sont des moments géniaux mais aussi lunaires et étranges, quand je vois les rues désertes. Et puis, boire un petit apéro, ça aide aussi, après la séance de sport bien entendu (rires) !

Quel est ton rapport à la natation et à l’eau libre ? ​

J’ai un parcours très atypique dans le sport, puisque à l’origine j’étais footballeur en CFA (Championnat de France Amateur) à l’AS Minguettes comme gardien de but. A l’âge de 30 ans, après une grave blessure au genou, j’ai découvert la natation pendant ma rééducation, au cours de laquelle « le plaisir de l’eau » a pris le dessus sur « le plaisir de l’herbe ». J’ai ensuite rejoint le club du CMO Vénissieux, puis de l’EMS Bron, où j’ai remporté plusieurs médailles lors des championnats de France Maîtres (réservés aux nageurs de 25 ans et plus) et des titres de vice-champion d’Europe, de 2011 à 2017.

C’est au club de l’EMS Bron que je me suis intéressé à la natation en eau libre. C’était initialement pour combattre ma peur de nager en milieu naturel. Pour débuter, je suis allé nager au Lac de Miribel-Jonage près de Lyon, au début avec quelques appréhensions. Puis je me suis pris au jeu très rapidement et j’ai vite adoré cette pratique. Suite à cette première expérience, j’ai commencé à participer à des compétitions nationales, avec récemment un classement autour de la 40ème place de la catégorie Élite (toutes catégories d’âges), ce qui n’est pas quand même pas rien ! (rires) J’ai également obtenu, dès ma première année d’eau libre, un titre de Vice-champion d’Europe de ma catégorie sur 5 km à Rijeka (Croatie) en 2015.

Mais avec l’âge, ce sont surtout les défis, plus que les compétitions, qui m’attirent. Ils m’apportent beaucoup plus. Par exemple, je participe chaque année au « Défi des Iles » (18 km en pleine mer) et en 2018, avec mon équipe « Les Manch’eaux », j’ai traversé la Manche en relais en 10 heures et 10 minutes. Enfin, nous avons créé avec des copains un club de natation eau libre, « La Team A.B » pour pratiquer en mode « électron libre », et faire ce qu’il nous plaît, sans contraintes. Il nous arrive malgré tout encore de participer à des compétitions officielles, mais l’objectif principal est avant tout de prendre du plaisir. Nager en eau libre représente pour moi un état d’esprit, une philosophie différente à laquelle je m’identifie pleinement, et qui me fait penser que ce plaisir ne s’estompera jamais.

Tu as participé au tout premier Open Swim Stars qui a eu lieu en 2015 à Miribel-Jonage, quels adjectifs utiliserais-tu pour définir nos épreuves ?

Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est « plaisir ». Quand j’arrive sur le lieu de l’événement, je suis heureux d’être là et de participer aux épreuves. Je sais que je vais revoir des copains, rencontrer des gens nouveaux. Ce sont des événements très conviviaux, basés sur l’échange et le partage. Je dirais aussi que ce sont des événements uniques, car ils ont lieu dans des lieux qui le sont. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut nager dans le Rhône, ou en cœur de ville !

Tu as gagné le 5,5 km de l’Open Swim Stars Harmonie Mutuelle Lyon l’année dernière. T’attendais-tu à remporter l’épreuve, et était-ce un objectif ?

Non, je n’avais pas d’objectif de victoire, j’étais avant tout là pour prendre du plaisir, et surtout profiter de l’occasion unique de nager dans le Rhône. Voir défiler la ville en nageant, c’est extraordinaire ! Mais en milieu de course, j’ai senti que j’avais les moyens d’aller au bout et de gagner l’épreuve. Je me suis donc dit : « pourquoi pas ! ». J’ai ensuite enchaîné après avec le 1,1 km, que j’ai également remporté, mais juste pour prolonger le plaisir. Il y a des courses pour lesquelles on se prépare pour aller les gagner, et d’autres pour lesquelles gagner n’est pas l’objectif premier. Comme pour les Open Swim Stars Harmonie Mutuelle, où la convivialité et le plaisir de nager en eau libre passe avant le désir de médaille.

Remettras-tu ton titre en jeu cette année ? Et en dehors du circuit Open Swim Stars, as-tu prévu de participer à des événements d’eau libre ?

Oui, il y a des chances que je participe à l’Open Swim Stars de Lyon cette année. Après, en dehors de vos épreuves, j’ai prévu d’effectuer en relais avec « Les Manch’eaux » la traversée du Lac Léman, et la traversée entre Noirmoutier et l’île d’Yeu (30 km) et Marseille/Cassis à la nage en solo. Sinon, je ferai sans doute quelques étapes sympas de la Fédération Française de Natation et des courses du circuit OceanMan. J’ai donc un programme bien chargé, mais qui risque d’être affecté par la situation sanitaire actuelle et à venir.

Et pour finir, as-tu des conseils à prodiguer aux personnes qui se « jetteront à l’eau » cette année ?

Pour les débutants, il y a forcément de l’appréhension, mais il faut savoir qu’elle se lève en général très vite. Après pour performer, contrairement à ce que l’on peut penser, il est préférable de ne pas nager sur les bords, notamment lors des passages de ponts dans les épreuves en fleuve pour éviter les tourbillons. Enfin, il ne faut pas hésiter à poser des questions aux nageurs expérimentés. Même s’il y a un peu d’enjeu compétitif, l’eau libre c’est avant tout le partage et le plaisir de nager ensemble.