Mark Turner : l’UltraSwim 33.3 c’est un voyage, une aventure !
Riche d’un parcours unique dans le domaine de l’événementiel sportif, nous avons rencontré Mark Turner organisateur des épreuves d’eau libre par étapes UltraSwim 33.3. Il nous a fait part de son expérience professionnelle, présenté ses événements et les espoirs qu’il porte dans le développement de notre discipline.
Bonjour Mark, peux-tu te présenter ?
Je suis Mark Turner, je suis anglais et je vis en France ou en Suisse depuis près de 25 ans. Je travaille dans le sport depuis 35 ans, et j’ai débuté ma carrière professionnelle dans le sport en travaillant notamment avec Ellen MacArthur, la navigatrice. Ellen est venue me voir au tout début de sa carrière, à l’âge de 17 ans, pour l’aider à participer à la Mini-Transat, course transatlantique en solitaire sur des bateaux de 6,5 mètres. Je l’ai aidé bénévolement pour trouver des financements pour 2 de ses bateaux, et de son côté elle m’a beaucoup apporté par son côté pratique, son exigence et son énergie au quotidien. A l’issue de cette période, j’ai vendu mes parts dans la société que je détenais alors et quitté le poste que j’occupais dans le marketing pour m’associer à elle. Nous nous sommes associés et on a recherché de l’argent pour monter ses nouveaux projets de course à la voile. J’ai géré l’administratif, la communication, le marketing, la construction des bateaux et cela lui a permis de terminer 2e au général du Vendée Globe en 2001. Puis avec notre société, nous avons commencé à gérer les droits d’autres sportifs, et notamment Samantha Davies qui est engagée actuellement sur le Vendée Globe. En 2004, nous nous sommes dirigés dans l’événementiel pour sauver la Transat Anglaise alors en faillite, puis ensuite d’autres événements dans la voile.
En 2010, nous avons pris des directions différentes. Ellen a créé sa fondation dans l’économie circulaire et moi j’ai pris en main la gestion de notre société après qu’elle ait vendu ses parts à Rémi Duchemin qui travaillait alors pour Amaury Sport Organisation. Avec Rémi nous avons renommé l’entreprise en OC Sport, et les années suivantes nous avons progressivement ajouté de nouvelles disciplines, comme le cyclisme avec la Haute Route, le Marathon de Genève que nous avons sauvé, le triathlon et surtout le trail avec l’UTMB International. La société est donc devenue multisports et internationale avec une présence dans 23 pays. En 2016 nous avons vendu la société au groupe Télégramme, et je suis parti pour gérer pendant 2 ans la Volvo Ocean Race, course autour du monde en équipage. Après une pause, j’ai joué le rôle de Conseiller pour des entreprises intervenant dans le domaine du sport. Et enfin, en 2022, alors que je m’étais juré de ne jamais retourner dans l’événementiel, j’ai lancé sur le même modèle que la Haute Route, épreuves amateure qui relient à vélo une ville à une autre en plusieurs étapes, une épreuve de natation en eau libre par étapes, l’UltraSwim 33.3.
Quel a été ton intérêt pour la natation en eau libre et l’idée de développer des épreuves comme l’UltraSwim 33.3 ?
Malgré ma promesse, je suis retourné dans l’événementiel sportif parce que cette expérience professionnelle a eu un impact important dans ma vie, même si c’est beaucoup de stress en tant qu’organisateur. Mais surtout parce que cela m’apporte beaucoup de satisfaction d’organiser des épreuves qui ont un impact mental et physique très important sur les participants, quel que soit la discipline sportive. C’est cela que j’adore.
Et pourquoi la natation en eau libre ? Et bien quand j’étais jeune, j’étais à la fois nageur et « voileux ». J’avais des compétitions de natation le samedi et de voile le dimanche. Puis à l’âge de 18 ans j’ai intégré la Royal Navy. Dans ce cadre j’ai eu l’opportunité de participer à la « Whitbread », qui est devenu la « Ocean Volvo Race » plus tard, avec un équipage composé de marins de la Royal Air Force et la Royal Navy. Cette expérience m’a lancé dans la voile professionnellement. Après avoir quitté la Royal Navy, j’ai lancé avec un copain nageur une start-up qui a créé un winch pour la Coupe de l’America. Nous avons équipé le bateau japonais, mais malheureusement nous avons dû cesser l’activité faute de moyens. Ensuite je suis allé travailler dans le Marketing pour une société d’accastillage pour bateau qui travaillait avec des sociétés françaises, et notamment le fabricant de bateaux BENETEAU. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré Ellen MacArthur. Mais parallèlement j’ai toujours continué à nager pour garder la forme. Par contre je ne participais pas à des compétitions jusqu’à ce que mon ami d’enfance avec qui j’avais monté la start-up m’informe qu’il y avait une épreuve de natation eau libre de 5 km à Auckland, où je résidais à l’époque. Comme beaucoup de nageurs je n’avais jamais nagé en compétition plus de 400 mètres. Cela représentait un sacré défi pour moi. Je l’ai fait, et j’ai adoré.
Je comprends mieux maintenant ton intérêt pour la nage en eau libre. Pourquoi avoir voulu organiser des épreuves sur le format de la traversée de la Manche ?
Cette idée c’est vraiment l’organisation de la course à vélo de la Haute Route qui me l’a donnée. D’abord c’est un défi en termes de difficulté par rapport à une course d’une seule journée. Mais c’est aussi pour les connexions entre les gens que cela créent pendant les événements qui m’ont incitées à me lancer dans cette aventure. Quand tu repars le lendemain d’une longue journée, que tout le monde est fatigué, l’énergie du groupe aide tout le monde à finir le défi. Ce format d’épreuve n’existait pas de façon accessible pour le plus grand nombre. Il y a très peu d’exemple d’épreuves sur le même modèle que le nôtre. Il y a aux Etats-Unis une épreuve où tu enchaines 4 lacs sans combinaison dans de l’eau froide avec des transferts en voiture à réaliser entre chaque étape. C’est une épreuve très difficile et réservée à très peu de nageurs. Et aussi l’épreuve du « Morocco Swim Trek » que j’adore, et sur laquelle je me suis beaucoup inspiré.
Dès 2019 j’avais imaginé de lancer l’épreuve UltraSwim 33.3, mais la période Covid ne m’a pas permis de l’organiser plus tôt. Pour le positionnement marketing, cela a été de reproduire dans la natation ce qu’est l’Everest pour la montagne. Pour les nageurs, l’Everest de la natation c’est la Traversée de la Manche. Comme les anglo-saxons aiment bien les défis et la traversée de la Manche est l’épreuve la plus difficile dans leur imaginaire. J’ai vite compris que de nombreux nageurs, comme moi, n’ont pas envie de traverser la Manche en raison de l’investissement important que cela représente en termes d’entrainement, sans parler de s’habituer à nager dans de l’eau froide régulièrement. Beaucoup souhaiteraient pouvoir nager la distance de 33.3 Kilomètres, ou 20,6 miles pour les anglo-saxons. Mais par étapes, dans une eau plus chaude, et avec la notion de défi malgré tout.
Cela reste malgré tout un sacré défi de nager 33,3 km pour le plus grand nombre, comme tu le dis !
Oui bien sûr. Pour autant, le format du 33,3 est aussi destiné aux amateurs qui aiment les défis sportifs sans nécessairement l’obligation de performance. Ils sont là uniquement pour finir.
Notre différence avec le « Morocco Swim Trek » par exemple, organisé dans un cadre sauvage et minimaliste, est notre offre plus « premium ». Nous accompagnons les nageurs comme s’ils étaient « l’élite » ! Nous proposons le massage après chaque étape par exemple, et nous les hébergeons dans des hôtels 4 ou 5 étoiles. Ceci en raison que nos clients sont plutôt âgés, ont plus de temps et plus d’argent à dépenser, par rapport à des nageurs plus jeunes, plus sportifs qui participent à des épreuves sur une journée. Les UltraSwim33.3 sont donc des événements avec un positionnement « premium », mais qui restent cependant accessible financièrement et sportivement. Notre idée est vraiment de traiter nos nageurs comme des pros et de leur faire découvrir des endroits magiques où ils peuvent nager de point à point pendant 4 jours. C’est comme un voyage, une aventure !
Quels sont tes clients ?
Ce sont des gens de tous âges, avec tous les « backgrounds » que l’on peut imaginer. Ils sont de toutes conditions. Il y a des nageurs accomplis comme toi et moi, il y en a en surpoids, ceux qui ont des difficultés à marcher, et ceux qui ont débuté la natation récemment. Et tous se soutiennent tout au long de l’UltraSwim pour rejoindre l’arrivée. Il y a une véritable connexion pendant la durée de l’événement et une diversité de profils que je n’ai pas vu dans d’autres sports. La natation a cela de formidable que tu peux la pratiquer jusqu’à la mort, comparé à la course à pied où tu as des impacts, et le vélo où il y a le risque de tomber. Avec une population de plus en plus âgée, qui souhaite continuer à être active tout en faisant du sport et voyager, la pratique de la natation au travers d’épreuves comme les Open Swim Stars ou les nôtres le permet.
Combien d’épreuves UltraSwim 33.3 organises-tu pendant l’année ?
En 2025, nous organiserons 4 événements, en Croatie, Monténégro et Grèce, et nous espérons réunir entre 600 et 700 nageurs. Les épreuves plaisent beaucoup, même si pour nous cela représente beaucoup d’investissement en temps et de la complexité dans son organisation. Nous sommes un peu une agence de voyage, et c’est pour cela qu’il n’y a pas beaucoup de concurrence sur ce modèle.
Je constate que tes épreuves UltraSwim 33.3 sont toutes en Méditerranée. Peux-tu nous dire pourquoi ?
J’ai souhaité lancer les épreuves en Europe, même si la période est assez limitée dans la possibilité d’organiser des épreuves avec hôtel de luxe en dehors de mai, juin, septembre et octobre. En dehors de ces périodes l’eau est trop froide et n’intéresse pas grand monde, et en plein été les hôtels sont chers et peu disponibles. En développement nous réfléchissons pour 2026 à organiser des épreuves en Lac ou dans le nord de l’Europe en juillet et août. Et puis les pays dans lesquels nous organisons nos épreuves sont plus facile d’accès d’un point de vue réglementaire par rapport à la France ou l’Italie par exemple.
Quels sont les pays dans lesquels tu organises les UltraSwim 33.3 ?
La destination du Monténégro a été la première que j’ai organisée. C’est une destination magnifique et sauvage que j’ai découverte grâce à un ami avec lequel j’avais traversé le détroit de Gibraltar. Nous avons pu nager 30 km en plusieurs étapes sans être empêchés. Puis cela a été la Croatie, pays que je connaissais grâce à la voile. Ce sont des pays nouveaux depuis la disparition de la Yougoslavie, et chacune de nos destinations a un thème. Le Monténégro est sur le thème de la montagne et des fjords. La Croatie c’est les iles, et la Grèce qui est un peu plus marketing où l’épreuve se déroule autour de l’ile de Kalokairi où a été tourné le film Mamma Mia, très populaire dans le monde anglo-saxon. Ce sont des endroits où nous avons toute la logistique, les facilités d’accès et l’assurance de trouver des hôtels de haut standing.
Et puis ce sont des destinations où il est possible de prendre un avion partout en Europe et d’être sur place en 2 à 3 heures. C’est idéal pour les personnes qu’ils veulent s’offrir un long week-end et qui ont peu de temps. Tu peux quitter ton domicile le jeudi matin et être de retour le lundi soir. Il en a bien sûr qui viennent plus longtemps, mais nous savons que pour des actifs avec famille il n’est pas facile de s’absenter pour de longues périodes. Pour remédier à cela, nous avons créé des packages 3F (Family, Friends and Fans) qui permettent à la femme, ou le mari, et les enfants, de participer au voyage et de suivre les nageurs s’ils le souhaitent. Même si beaucoup ne souhaitent pas les suivre en intégralité, nous leur donnons la possibilité de nager les derniers mètres avec eux, et ensuite de déjeuner ou dîner avec l’ensemble des nageurs. Ils sont intégrés au groupe, mais ils sont en vacances. Cette formule nous donne un peu de difficulté à organiser, mais nous avons compris que pour participer à nos épreuves le fait de venir seul était la barrière numéro 1. Il y a aujourd’hui environ 30 % de nos participants qui viennent accompagnés.
Nous arrivons au bout de notre entretien. Dernière question. Au regard de ton expérience marketing dans le sport, es-tu optimiste pour le développement de la nage en eau libre ?
Il est clair que la natation en eau libre est une niche, mais c’est cela que j’aime. Les niches ont un potentiel fort de développement et d’innovation, et je suis fortement convaincu que la natation a un énorme potentiel. Les bénéfices mentaux et physiques qu’apportent la pratique de la natation sont en train d’être établi par les scientifiques. Avec le vieillissement de la population, les sports à impact ne seront pas accessibles à tous en raison des problèmes de genoux ou de dos qu’ils entrainent. Je constate qu’un grand nombre de nageurs participant aux UltraSwim 33.3 ne nageaient pas du tout il y a 10 ans. Les participants de nos événements ont une moyenne d’âge de 49/50 ans et l’année prochaine nous aurons 40 nationalités représentés.
Nous n’aurons bien sûr pas le niveau de développement qu’a connu le trail ou la course à pied pour des raisons liées principalement à la gestion de la sécurité sur les parcours, mais je suis vraiment persuadé qu’il y aura une énorme croissance dans les années à venir. Alors à nous de faciliter la pratique en organisant des actions de découverte de la discipline avec tous les organisateurs d’épreuves comme celles que nous organisons, de la plus petite à la plus grande. Pour toutes ces raisons je suis très optimiste pour le développement de la natation dans les prochaines années.
Interview réalisée par Laurent NEUVILLE le 28 novembre 2024
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