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19 Jan 2023

Nadine ANSARD : « Pour moi gagner ce n’est pas faire un podium »

Pour cette première newsletter de l’année nous vous proposons de découvrir le parcours de Nadine ANSARD, nageuse avec palmes en situation de handicap qui s’est mise en tête de nager dans tous les départements de France, et de se déplacer à cette occasion dans les centres de rééducation pour démontrer que suite à un accident de la vie il y a toujours de l’espoir.

Bonjour Nadine. Peux-tu te présenter et nous faire part de ton parcours ?

J’ai 29 ans plus 19 (rires) et j’habite à Saint-Gilles Croix de Vie en Vendée. J’exerce le métier de AESH (Accompagnante des Élèves en Situation de Handicap) dans un collège. C’est à la suite d’un accident de la route à l’âge de 23 ans que j’ai été opérée de la colonne vertébrale, heureusement sans rupture de la moelle, mais avec des séquelles suffisamment importantes pour m’interdire aujourd’hui de porter des charges et rester en position statique de façon prolongée. Il m’est également impossible de courir ou sauter, bref tout ce qui pourrait occasionner des chocs à la colonne.

Et ton parcours de nageuse ?

J’ai découvert la nage avec palmes en 2019, mais il faut que je te dise qu’à l’origine je suis aquaphobe. C’est en 2013, suite à mon dernier passage en centre de rééducation, dans le cadre du suivi d’un programme de réadaptation à l’effort, que j’ai mis un premier pied dans l’eau. Je me suis rendue compte que j’avais perdu en tonus musculaire et en énergie. Perdu en tout quoi ! Dans ce programme il y avait plusieurs activités physiques, et à la sortie je me suis dit qu’il fallait que je reste dans cette dynamique de pratique physique pour ne pas retomber dans le cercle vicieux de la douleur. Je me suis donc inscrite à la piscine et j’ai débuté par l’aquagym. Cela m’allait bien, on avait pied ! Puis, une fois que je me suis sentie bien et que cela devenait plus facile, je suis passée à l’aquabuilding. Une fois la séance terminée je voyais les gens de mon groupe partir nager quelques longueurs. Cela me faisait envie mais j’avais peur. Du coup, je me suis inscrite à une association handisport sur Saint-Gilles Croix de Vie, qui s’appelle ACCESS VIE, pour apprendre à nager. Elle proposait des cours de natation, et c’est avec l’éducateur sportif, Guillaume, que j’ai débuté comme les petits, en mettant d’abord la bouche sous l’eau, apprendre à faire des bulles, mettre la tête sous l’eau puis lâcher le bord.

D’où te venait cette aquaphobie ?

C’est depuis toute petite. Je suis une des traumatisées de maîtres-nageurs qui t’obligeaient à te jeter à l’eau en attrapant une perche, comme beaucoup je pense. Et maintenant, si l’on m’avait dit que je serais un jour nageuse je ne l’aurais jamais cru. Pour autant, à chaque nouveau site de nage en eau libre que je découvre j’ai toujours une appréhension. Je m’arrange toujours pour être à l’écart et partir dans les dernières lors des courses auxquelles je participe. D’être bousculée au départ pourrait me déclencher une crise de panique, mais également je ne souhaite pas me prendre un coup dans le dos, le bassin ou les jambes.

Tu as débuté par la natation sportive. Comment passe-t-on de la natation en piscine à la nage en eau libre avec palmes ?

C’est venu d’une adhérente de mon club qui préparait un défi à la nage en eau libre et qui souhaitait que je l’accompagne dans ses entrainements. Mais à cette époque je ne nageais que sur le dos pour protéger ma colonne. C’est un maître-nageur qui m’a sensibilisé au fait que je ne pourrais pas l’accompagner en milieu naturel en nageant uniquement sur le dos. Il est le premier à m’avoir proposé de nager avec un tuba et de mettre des palmes pour me faciliter la position ventrale. J’ai ensuite découvert que la nage avec palmes en milieu naturel était une vraie discipline. Depuis je m’entraine toute l’année, été comme hiver, uniquement en eau libre à Saint-Gilles Croix de Vie dans un des bassins de retenue présent à la sortie du port. Il fait 80 mètres de long et il est peu profond. C’est donc parfait pour moi.

Et depuis tu participes régulièrement à des compétitions de nage avec palmes ?

En effet, je suis licenciée FFESSM (Fédération Française d’Études et Sports Sous Marin) dans un club de la Roche-sur-Yon, et je participe à des compétitions en catégorie Masters, mais uniquement en eau libre, jamais en piscine. J’ai déjà 3 participations en individuel aux championnats de France, 2019, 2021 et 2022, et je prépare actuellement les prochains qui se dérouleront à Carentan en juin. Je ne me considère pas comme une championne et je n’ai jamais fait de podium, mais je gagne à chaque fois. Pour moi gagner ce n’est pas faire un podium. Gagner c’est contrôler son corps, c’est maitriser ses peurs, c’est aller de l’avant, c’est se dépasser et réaliser ses rêves. Lors de ma première participation aux championnats de France j’étais sur un nuage, je vivais un rêve éveillé. Ce qui fait que je gagne et prends beaucoup de plaisir à chaque participation à une épreuve de nage avec palmes.

Nous venons d’apprendre que tu avais pour projet de nager dans tous les départements de France. Comment se nomme ce projet et peux-tu nous le présenter ?

Mon projet s’appelle « Naturo Palm’ Tour » et il va démarrer, si tout va bien, en mars prochain. J’ai repéré une compétition mais je ne sais pas encore si je pourrais y participer. Pour autant, j’aimerais bien débuter le plus tôt possible parce qu’il y a du boulot (rires). Le premier objectif est de nager dans tous les départements et uniquement en milieu naturel ; et de le coupler à chaque fois avec un témoignage de mon expérience dans un centre de rééducation afin de véhiculer un message d’espoir. Il est important de faire comprendre aux gens que même si on a eu un pépin de santé limitant sa mobilité, il est toujours possible de pratiquer une activité physique. Mais non seulement il est possible de pratiquer, mais il le faut parce que le bénéfice sur la santé et le moral est indéniable. Mon 2e objectif, je souhaite démontrer aux clubs sportifs qu’ils peuvent accueillir des personnes handicapées et que cela peut bien se passer ; et inversement montrer aux personnes en situation de handicap qu’elles peuvent intégrer des clubs valides ou handisport et qu’elles seront bien accueillies. Enfin un de mes buts est aussi de rencontrer des personnes passionnées de la discipline et découvrir de nouveaux sites naturels.

C’est un beau projet, mais sachant qu’il n’y a pas dans chaque département des sites de nage en milieu naturel accessibles, penses-tu que cela soit réalisable ?

C’est effectivement une difficulté, d’où mon souhait d’obtenir des contacts avec des nageurs, des clubs et organisateurs d’événement qui m’aideront dans cette aventure. Et puis cela n’aurait pas beaucoup d’intérêt de nager seule ou en groupe restreint dans une rivière où ma sécurité ne serait pas assurée par exemple. Le but est bien de démontrer au plus grand nombre que l’on peut nager avec un handicap. D’ailleurs, j’ai récemment accepté d’accompagner un monsieur en juillet prochain qui s’est mis au défi de nager 10 km dans un étang du Loir et Cher, pour récolter des fonds au bénéfice du fils d’un de ses collègues qui a une maladie rare. Et puis, lors des derniers championnats de France, l’organisateur avait mis un stand à ma disposition où je proposais aux clubs de planter une épingle sur une ville de la grande carte de France que j’avais apporté. Cela m’a déjà permis d’avoir de nombreux contacts et de les recontacter le moment venu pour partager un entraînement ou participer à une épreuve.

Pour se déplacer partout en France il faut des moyens. As-tu déjà bouclé le financement du projet ?

J’en suis encore loin et il m’est difficile de connaitre in fine son coût global. Le plus gros du budget est celui des déplacements, et donc des frais d’essence. Pour l’hébergement, je suis censé dormir dans mon camion. Mais il est régulièrement en panne et j’espère qu’il va tenir le choc (rire). Après je serais aussi obligée de réserver dans des campings parce que je n’ai pas d’eau dans mon camion. Et comme je ne peux pas conduire sur de longs trajets, et tous les jours en raison de mon dos, cela va prendre du temps. Sans compter que je dois aussi intervenir dans les centres de rééducation. Pour le moment j’ai le soutien financier de mon club ACCESS VIE qui va me permettre de démarrer mon circuit, et je suis à la recherche de partenaires. C’est d’ailleurs un point que je découvre et qui n’est pas évident. D’ailleurs si vous pouviez me donner un coup de pouce (Dossier de présentation Naturo’ PalmTour) ou à défaut me suivre sur les réseaux Instagram et Facebook, cela m’aiderait.

Tu participes les 11 et 12 juin prochains aux championnats de France de nage avec palmes, et ensuite tu seras présente le 18 juin à Paris pour participer au 2 km avec palmes de l’Open Swim Stars Harmonie Mutuelle.

En effet, et je vous remercie pour l’invitation. Cela représente quelque chose d’important pour moi de nager dans Paris. C’est ce que j’exprimais plus tôt dans notre entretien. Pour la petite nageuse « handi », ancienne aquaphobe, ce sera un ÉVÉNEMENT.

Interview réalisée par Laurent NEUVILLE