Articles

18 Mar 2021

Vincent Toulot : « La natation m’a sauvé la vie »

Vincent TOULOT est un peu à part dans le monde de la natation en eau libre. Tout d’abord nageur de bassin, puis poloïste, triathlète et aujourd’hui nageur d’eau libre. À 55 ans il fait partie des meilleurs mondiaux de sa catégorie et il n’est pas peu fier de monter régulièrement sur les podiums toutes catégories. Rencontre.

Bonjour Vincent. Peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

J’ai 55 ans, je suis marié, père de 4 garçons et suis technico-commercial en énergie renouvelable. J’ai 2 nationalités, belge et française. Je suis né en France et vit en Belgique. En fait ma vie est un peu compliquée. J’ai eu une enfance très difficile et je peux dire que la natation m’a sauvé la vie. Mon père biologique était italien, mais il ne m’a pas reconnu. Suite au divorce de mes parents et les difficultés rencontrées, ils ont été déchus de l’autorité parentale et je me suis retrouvé à l’âge de 5 ans dans un orphelinat en Belgique. Les sœurs qui s’occupaient de moi m’ont inscrit sur les registres belges et c’est la raison pour laquelle j’ai la double nationalité. C’est à l’orphelinat que j’ai découvert le sport parce que tous les enfants devaient pratiquer une activité sportive. J’ai commencé par le football, où j’avais de bonnes dispositions, mais en changeant de catégorie je me suis retrouvé sur le banc. Des amis me voyant malheureux de la situation m’ont dit qu’il fallait que je vienne à la piscine avec eux. J’ai rapidement progressé et battu plusieurs records du club. À l’âge de 12 ans j’ai souhaité retourner vivre avec ma mère, mais elle s’était mise en ménage avec un routier qui me battait pour n’importe quel motif. Pour échapper aux coups, je ne rentrais plus à la maison et restais dans le hall de la piscine la journée avant les entrainements ou pour faire mes devoirs. À 17 ans, je suis retourné en foyer jusqu’à mes 20 ans avant de partir à l’armée.

J’ai débuté le water-polo par opportunité, car à l’époque les clubs manquaient de joueurs et venaient puiser dans les clubs de natation pour recruter. C’est comme cela que je me suis retrouvé à jouer avec les équipes nationales belges de cadet à sénior. J’étais un joueur très technique et je marquais beaucoup de buts. J’ai joué pendant 20 ans en élite successivement dans les clubs de Mouscron, Courtrai où j’ai eu la chance de jouer la Coupe d’Europe des clubs champions plusieurs saisons, Bruges, et enfin j’ai terminé ma carrière à Wattrelos, en 2e division française. Avant la fin de ma carrière de poloïste, je me suis mis à pratiquer le triathlon, mais après plusieurs saisons j’ai dû arrêter toute pratique sportive pendant 8 ans, suite à des problèmes de calcification osseuse et une grave infection bactérienne qui m’a amené à faire 2 séjours en réanimation.

C’est en 2014 que je me suis décidé à reprendre le sport et la natation. J’ai participé aux championnats du monde maitres en 2015 et 2017 où j’ai réalisé quelques belles performances. Ma conversion à la natation eau libre est récente, et je m’y suis mis réellement que depuis 3 ans grâce à mon ami Olivier Delfosse, ancien champion de Belgique de natation et aujourd’hui nageur de longue distance en eau libre. Il m’a proposé de m’inscrire à des épreuves sur les distances de 5 et 10 km en constatant que j’étais endurant à l’entrainement. Au début je nageais avec des jeunes et j’essayais de suivre, et à ma grande surprise je me suis classé sur ma première course parmi les 20 premiers du général, puis dans les 10 premiers avec en point d’orgue une 9e place toutes catégories des derniers championnats du monde en Corée.

Quand je me retourne sur mon parcours, je suis très fier de moi et je trouve cela très spectaculaire.

Participer à des épreuves de longues distances demande de s’entrainer énormément. Qu’est-ce qui te motive à passer autant de temps dans l’eau, ou même sur un vélo et courir comme tu le fais actuellement ?

Comme je le dis souvent, mon objectif en reprenant le sport était d’être au top niveau mondial. Le souci était que j’avais 10 kilos à perdre et les gens me disaient que j’étais fou de me lancer dans un tel défi. Mais j’avais aussi des amis, dont Ludovic Capelle ancien cycliste professionnel, qui me soutenaient dans ma démarche. J’ai vite compris que si je souhaitais tenir mes objectifs, je devais passer par une charge d’entrainement très importante, voire inhumaine. Et puis j’ai appris par mes expériences de vie, que « pas d’entrainements, pas de résultats ». Pour préparer mes courses j’adapte mes entrainements. Si je dois participer à une course « sprint », c’est minimum 25 km d’entrainement dans la semaine, et si c’est un 10 km c’est 60 ! Mais d’une façon générale, j’adapte la charge de travail en fonction des épreuves auxquelles je participe.

L’année 2020 n’aura pas été facile pour toi, peux-tu nous dire ce qui s’est passé ?

L’année dernière n’a pas été une année satisfaisante en effet, d’abord en raison du Covid où je n’ai pas pu m’entrainer normalement, puis j’ai dû m’arrêter 4 mois en raison d’une chute à vélo 2 jours avant la Coupe de Belgique de Triathlon. J’avais 4 côtes de cassées mais j’ai malgré tout tenu à y participer. Cependant je n’ai fait qu’aggraver mon cas et l’on m’a arrêté parce que les médecins supposaient que je m’étais perforé un poumon.

Ta pratique sportive intensive, tes déplacements sur les compétitions et tes activités professionnelles ne te laissent pas beaucoup de temps pour ta famille. Comment vit-elle ton emploi du temps très chargé ?

J’ai la chance d’avoir une femme et une famille très compréhensive. Ma femme Sandrine connait cette vie pour avoir été elle-même triathlète, et si elle m’enlevait le sport j’en serais malade. Il m’arrive d’embarquer ma femme et mes enfants dans mes aventures, comme à Paris l’année dernière ou à Moscou. Cette année il est prévu que toute la famille m’accompagne à Cozumel au Mexique, et pour notre anniversaire de mariage Sandrine va m’accompagner à San Andrés en Colombie. Il m’arrive aussi d’emmener avec moi, à tour de rôle, mes garçons dès qu’ils sont en vacances.

Une nouvelle saison en eau libre va démarrer dans quelques semaines, quels sont tes objectifs cette année ? 

Les reports de compétitions en raison du Covid, plus mon arrêt sur blessure font que je suis inscrit cette année sur 30 compétitions avec de nombreuses épreuves d’eau libre, dont des « Oceanman », l’Open Swim Stars Paris et des triathlons. Mon principal objectif cette année est de performer en triathlon. Niveau performance actuelle, je recommence à enchainer des 100 m en natation en 1’10/1’15 de moyenne, je cours en 38’30 au 10 km et en vélo je roule sans difficulté à 38 km/h de moyenne. Je suis bien pour mon âge (rires), mais il faut que je passe encore un cap si je veux être dans les meilleurs mondiaux.

Mon premier triathlon sera le Half Ironman de Maastrich le 1er août, puis l’Ironman de Finlande le 14 août qui devrait me permettre de me qualifier à l’Ironman d’Hawaï. Pour le moment, d’après mes performances sur les 3 distances, je me situe au niveau du 3mondial en plus de 55 ans, mais cela est purement théorique. Il faut d’abord que je me qualifie !

Revenons à la natation eau libre, qu’aimes-tu dans cette discipline ?

Ce que j’aime c’est la compétition. Le challenge. Tout comme dans ma vie professionnelle. C’est ce qui me caractérise. Sur les épreuves j’y retrouve souvent des amis et c’est l’une des raisons pour laquelle je viens à Paris ou l’on peut se retrouver au resto à la fin de la compétition. J’aime ces rassemblements de nageurs, et le fait de participer à des compétitions dans le monde entier m’a permis de me faire de très nombreux amis.

Parcourir le monde entier pour participer à des compétitions demande des moyens, comment finances-tu tes déplacements ?

Je ne suis pas millionnaire mais j’estime avoir bien réussi dans la vie et ne manquer de rien, alors que ce n’était pas écrit au départ. J’ai aujourd’hui plusieurs sponsors qui me permettent de voyager. Cela me permet également d’aider plusieurs associations. Quand j’ai des médailles ou des primes je les remets le plus souvent à des associations qui œuvrent en faveur des enfants. Il m’arrive également de payer des engagements à des nageurs qui n’en ont pas les moyens, ou de participer au financement d’un vélo pour un jeune coureur par exemple. Dès que je peux le faire, je donne.

Enfin, depuis 2 ans tu participes à des Open Swim Stars Harmonie Mutuelle, qu’aimes-tu dans nos événements ?

Ce que j’aime c’est que tout est différent. Pour moi quand j’arrive à Paris, Douarnenez ou Nyon, pour participer à un Open Swim Stars, c’est l’inconnu. Tu ne trouves jamais les mêmes conditions, les mêmes cultures. Ce qui m’a surpris quand je suis allé à Douarnenez, ce sont les remarques de certains qui étaient surpris que je vienne du nord pour participer à une épreuve organisée au fin fond de la Bretagne. J’ai même entendu dire que j’étais fou de venir d’aussi loin (rires). Cela m’a fait plaisir et je leur ai répondu que j’étais un mordu ! Pour moi participer à un Open Swim Stars c’est un moyen de voyager et de revoir des amis. Et même de pouvoir côtoyer de grands champions comme Yannick Agnel. Et ça ce n’est pas donné à tout le monde !