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18 Fév 2021

Arthur Germain : Nager dans Paris, c’est vraiment à faire une fois dans sa vie !

Ce mois-ci nous avons rencontré Arthur Germain, jeune nageur parisien engagé dans la lutte contre la pollution de nos fleuves et océans. Il prépare la descente de la Seine à la nage de sa source à son embouchure en juin prochain, et en totale autonomie.

Bonjour Arthur. Peux-tu te présenter et nous faire part de ton parcours ?

J’ai 19 ans et me suis construit autour de la natation. J’ai commencé à nager au Club des Neptune de Paris à l’âge de 4 ans, et rapidement j’ai participé à mes premières compétitions. A partir de l’école élémentaire je nageais 3 fois par semaine, et arrivé au Collège j’ai intégré une classe à horaires aménagés avec entrainements quotidiens et musculation. A partir de ce moment j’ai beaucoup progressé et la natation est devenue le centre de ma vie. De 12 à 15 ans, j’organisais ma vie autour de la natation avec pour objectif de participer aux championnats de France jeunes. Malheureusement à chaque fois j’ai échoué d’un rien. Cela a été de gros coups durs à encaisser au regard de mon investissement. Ce n’était pas que je n’avais pas le niveau, mais je perdais mes moyens lors des compétitions. Finalement j’ai fini par comprendre que je ne serais jamais champion olympique et qu’il était inutile de m’obstiner.

A partir de la seconde, j’ai commencé à avoir d’autres centres d’intérêt comme de m’investir dans une association, de m’intéresser à l’écologie et même à la philosophie. Mon intérêt pour la philosophie a radicalement changé ma vision de la natation. Jusqu’alors je nageais uniquement pour l’aspect chronométrique et finalement je n’en retenais rien ! C’est là que j’ai eu l’idée de traverser la Manche à la nage pour mes 16 ans. J’avais besoin de sortir de ma zone de confort et de réaliser un truc de fou.

Comment t’es venu cette idée de traverser la Manche à la nage, ce n’est pas commun  pour un ado de 15 ans ?

Elle est venue un jour à l’entrainement et cela m’a rendu heureux. J’avais le souvenir de la traversée de Philippe Croizon, et en arrivant à la maison je me suis renseigné sur ce que cela représentait. Mais au plus loin que je me souviens, j’ai toujours réalisé des défis physiques avec mon père, en faisant de très longues marches, perdus au milieu de nulle part, ou en pagayant pendant des heures lors de nos sorties en kayak. Ces expériences m’ont données le goût de l’aventure, et la traversée de la Manche me paraissait être un défi plus atteignable que de monter au sommet de l’Everest par exemple.

Justement comment as-tu préparé ta traversée ? Que tu as réussi d’ailleurs.

Ce qui m’a le plus marqué, et ce qui m’a le plus changé, c’est la préparation. De tout ce que j’ai vécu durant l’année avant la traversée, le plus marquant aura été de participer au stage organisé par Jacques Tuset. A l’origine mon objectif était de traverser en maillot de bain, et non en combinaison comme je l’ai fait au final. Malheureusement pour moi, à ce moment-là la température de l’eau de la méditerranée était de 12 degrés et j’ai subi des hypothermies lors de chaque sortie. Ce stage aura finalement révélé mon incapacité à nager dans de l’eau très froide, et que pour réussir il fallait me préparer une année supplémentaire et prendre 15 kilos (sourires). J’ai aussi participé à de nombreuses épreuves de la Coupe de France d’eau libre et aux 25 kilomètres du championnat de France à Gravelines. Et enfin, j’ai rencontré le coach mental Sébastien Payet, instructeur de la méthode Wim Hof, qui m’a permis de révéler mes capacités. Ce qui fait qu’avant la traversée je savais précisément ce que je devais faire pour ne pas avoir froid, comment appréhender les piqures de méduses, quand je devais m’arrêter pour manger et à quoi je devais penser. Je m’étais tellement bien préparé que j’étais certain de réussir le jour J.  Lors de cette traversée j’ai bien sûr puisé au plus profond de moi physiquement et mentalement. Et même si une traversée en combinaison n’a pas la même valeur pour certains, peu importe : mon idée de départ était de réussir la traversée.

Et après cette victoire ?

De retour en France après la traversée, je suis parti au Sénégal avec l’association « Les reflets de l’eau » pour ma première expérience de bénévolat. Nous avons organisé une traversée à la nage de la commune de Ngor (Dakar) à l’Ile de Ngor pour les femmes et les enfants, pour sensibiliser les populations locales sur l’importance de savoir nager. L’événement a rassemblé 300 personnes et chacun a nagé sur la distance de 800 mètres. A l’issue de l’épreuve nous avons remis à chacun des maillots de bain, bonnets et lunettes. Cette expérience m’a fait prendre conscience de la dégradation de notre milieu naturel et de la pollution de l’eau. J’ai toujours eu une conscience écologique, mais le fait d’y être directement confronté a provoqué un déclic. Je me suis dit que je ne pouvais pas rester les bras croisés et juste constater.

D’où ton projet de descendre la Seine à la nage ?

Après avoir passé une année à préparer le Bac et un trimestre à la fac, je me suis engagé pour la Fondation Tara Océan présente à Paris avec leur bateau. Avant le premier confinement, ma mission était de sensibiliser les jeunes et le grand public à la pollution de nos fleuves et océans, puis dès la fin du confinement de parler de sujets comme la pollution liée aux micro plastiques et la fonte des glaciers. Cette expérience m’a permis d’avoir de meilleures connaissances sur le sujet, et d’échanger avec des scientifiques et des marins. Il fallait que je m’engage sous une forme ou une autre, c’était devenu une évidence ! De là est né le projet de descendre la Seine, de sa source à son embouchure, pour faire découvrir son coté sauvage et ses merveilles. Et aussi de faire prendre conscience au plus grand nombre de l’impact que nous avons sur sa pollution.

Tu es parisien et dans moins de 4 ans auront lieu les Jeux Olympiques de Paris avec les épreuves de triathlon et natation eau libre dans la Seine. Cela a-t-il également joué pour te décider à monter ce projet ?

L’enjeu dépasse largement le fait de pouvoir se baigner dans la Seine à horizon des J.O. Cela aurait pu jouer, mais mon objectif est de permettre de profiter de la Seine au quotidien et pas seulement de s’y baigner.

Peux-tu nous présenter ton projet ?

Le fleuve mesure 780 km et je le descendrai à la nage en totale autonomie et sans assistance. Je souhaite vivre au rythme du fleuve, même s’il y a de mauvaises conditions météo ou s’il y a de la pollution. Nager en totale autonomie n’est pas évident en raison de l’effort physique et de la basse température de l’eau qui te fait dépenser beaucoup de calories. J’ai mis 6 mois pour établir un protocole complet afin de me donner toutes les chances de succès. Je me suis mis en situation de camper en pleine forêt ou de bivouaquer le long du fleuve… Cela m’a permis de déterminer que je devrais tirer mon kayak avec tout mon matériel au maximum deux fois 3 heures par jour pour éviter l’épuisement, et prévoir suffisamment de nourriture, ce que j’ai fait avec l’aide d’une nutritionniste en raison du manque de place. Et comme je vais passer 52 jours dans l’eau, il faut que je me prémunisse contre le risque de leptospirose et connaisse les endroits où je pourrai prendre des douches pour éviter tout problème de peau.

Mon projet me fera également aller à la rencontre des élèves dans les écoles présentes le long du parcours, pour les sensibiliser à mon action en faveur de l’environnement et la préservation du fleuve. Je suis en train de les contacter pour qu’elles me suivent dès ma mise à l’eau avec la possibilité d’organiser des prises de parole de quelques minutes lors de mon passage.

780 km pendant 52 jours représente des étapes de 15 km par jour. As-tu déjà repéré l’ensemble du parcours ?

J’ai déjà repéré le parcours de la source jusqu’à Troyes pour vérifier la largeur du fleuve, et passé 4 jours en kayak depuis Troyes jusqu’à Marcilly-sur-Seine, lieu où la Seine s’ouvre à la navigation. J’ai également visité toutes les écluses en amont de Paris que je devrai contourner à pied, ainsi que le port du Havre pour étudier les courants et préparer l’arrivée dans de bonnes conditions. Le courant est un élément important en raison des marées dont l’influence se fait ressentir 150 km en amont de l’embouchure. Il peut te permettre de nager sur une distance 2 fois plus importante en fonction des horaires de mise à l’eau. Maintenant il me reste à effectuer le repérage entre Paris et le Havre.

Nager dans nos fleuves et rivières nécessite des démarches administratives. As-tu déjà obtenu toutes les autorisations ?

Obtenir les autorisations a été un long calvaire. J’ai mis environ 6 mois. Il y a 14 préfectures et 360 communes qui ont chacune des arrêtés précis, et cela aurait été trop fastidieux de contacter chacune. Je me suis tourné vers les Voies Navigables de France (VNF). Elles m’ont été d’un grand secours et m’ont beaucoup aidé, notamment à gérer les autorisations pour traverser Paris et Rouen. Cependant, à partir de Melun jusqu’à Port-Marly et dans les traversées de Rouen et du port du Havre, j’ai l’obligation d’être accompagné par un bateau suiveur pour améliorer ma visibilité et être repéré des autres usagers du fleuve. J’ai même dû fournir la carte détaillée du parcours en indiquant les endroits précis où je vais passer.

Comment as-tu prévu de financer ton projet ?

Au début j’ai tout financé moi-même. Avec l’aide d’une amie, j’ai réalisé le site internet, pris à ma charge les 6 mois de préparation et financer l’achat d’un kayak grâce à l’argent de mon service civique à la Fondation Tara Océan. Depuis, j’ai trouvé un premier partenaire, EPTB Seine Grands Lacs. Ils gèrent les grands lacs de retenue en amont de Paris créés pour éviter les grandes crues de la Seine. Cela m’a permis de récupérer la totalité de mon investissement de départ, soit ¼ du montant total du coût du projet. Dans les prochaines semaines, je compte lancer une opération de crowdfunding, et bien sûr de trouver d’autres partenaires en accord avec la philosophie de mon aventure.

Tu as participé à plusieurs événements Open Swim Stars Harmonie Mutuelle à Paris, dont le premier 10 km que nous avons organisé en 2018. Peux-tu nous parler de ton expérience ?

Cela a été une super expérience. Je m’en souviens très bien. Je l’ai fait avec mon super pote, Paul Reuillon, et je termine 4e. J’étais un peu déçu à l’arrivée, mais malgré tout content de ma course. Seul regret, comme personne ne s’est arrêté au passage des 2,5 km je n’ai pas pris le premier ravitaillement. A un moment donné, j’ai pensé que je ne pourrai pas conserver le rythme imposé et me suis laissé décrocher du groupe de tête. J’ai perdu 100 à 150 mètres. Ce fut mon erreur parce que j’ai bien tenu et l’écart est resté le même jusqu’à l’arrivée. J’ai trouvé que l’organisation était vraiment bonne par rapport à de nombreuses épreuves de Coupe de France auxquelles j’ai participé cette année-là. Donc, gros point positif sur l’organisation. Et la course est vraiment agréable. On n’a pas à se soucier des bouées, on sait où l’on va. Enfin, l’expérience de nager dans Paris, de voir défiler les immeubles sous un angle différent, c’est vraiment à faire une fois dans sa vie.

Pour tout savoir sur l’aventure d’Arthur : https://arthurgermain.fr/mes-defis/la-descente-de-la-seine-a-la-nage/